ECOLE THEMATIQUE
MATHEMATIQUES ET PHILOSOPHIE CONTEMPORAINES X
« Grothendieck, Vuillemin, l’Objectivité mathématique »
26-30 juin 2023, Saint-Ferréol, Relais des quatre vents
Cette année, l’école thématique est articulée autour de trois sessions thématiques composées chacune d’un cours (2 à 3 séances de 1h30 et 30mn de questions), d’un ou deux exposés de recherche (1h et 30mn de questions) et d’une table ronde (1h30).
Les trois thèmes choisis font l’objet de publications récentes ou à venir. Il s’agit des mathématiques d’Alexandre Grothendieck, de la philosophie des mathématiques de Jules Vuillemin, et du problème de l’objectivité mathématique.
Les transparents des cours, exposés, et tables rondes sont disponibles ICI
PROGRAMME
Lundi 26 juin 2023
15h30-16h30 Accueil des participants
16h30-18h30 Cours Vuillemin 1 : Baptiste Mélès, Jules Vuillemin historien de la philosophie et des sciences
Mardi 27 juin 2023
9h-11h Cours Vuillemin 2 : Baptiste Mélès, Jules Vuillemin philosophe
11h30-13h Exposé Vuillemin : Hourya Benis Sinaceur et Emmylou Haffner, Ordre et infini actuel [lien vers l’article]
15h30-16h Table ronde Vuillemin avec Baptiste Mélès, Hourya Benis-Sinaceur et Emmylou Haffner
16h-17h30 Cours Grothendieck 1 : Michel Vaquié, L’hypothèse d’homotopie et les infini-groupoïdes
18h-20h Cours Grothendieck 2 : Bertrand Toën, Un aperçu de « Pursuing stacks » d’Alexander Grothendieck
Mercredi 28 juin 2023
9h-11h cours Grothendieck 3 : Bertrand Toën, Un aperçu de « Pursuing stacks » d’Alexander Grothendieck
11h30-13h Exposé Grothendieck : Brice Halimi, Culture philosophique des champs
14h30-16h Table ronde Grothendieck animée par Jean-Jacques Szczeciniarz et Frédéric Jaëck
16h30-19h30 Randonnée autour du Lac de Saint-Ferréol
Jeudi 29 juin 2023
9h-11h cours Objectivité mathématique 1 : Jean-Michel Salanskis, Figures de l’objet et de l’objectivité mathématiques
11h30-13h Exposé Objectivité mathématique : David Rabouin, Peut-on être à la fois fictionnaliste et platonicien ?
16h-18h Cours Objectivité mathématique 2 : Jean-Michel Salanskis, Figures de l’objet et de l’objectivité mathématiques
18h30-20h Table ronde Objectivité mathématique animée par Paola Cantù
20h30 Dîner de gala Restaurant Le 20
Vendredi 30 juin 2023
9h-12h Exposés jeunes chercheurs
Fabien Carbo-Gil, L’hypothèse du continu chez Gödel
Luis Garry, Philosophie, mathématiques et philosophie mathématique : Albert Lautman et le problème de la philosophie des problèmes.
Théophile Richard, Les principes de la statique et la critique générale de la raison pure
Wensho Fan, La conception de vérité chez Frege.
Organisation scientifique : Sébastien Maronne, Frédéric Patras
Contact : MPhCstflour [at] math.univ-toulouse.fr
INSCRIPTIONS
Candidatures
Les candidatures pour participer à l’Ecole Thématique doivent être envoyées par courrier électronique à l’adresse de contact avant le 22 mai 2023 accompagnées d’un CV scientifique.
Financement
Un financement est possible pour l’hébergement selon le nombre de candidatures : merci de le préciser lors de votre demande.
LIVRET DES RESUMES
Hourya Benis Sinaceur et Emmylou Haffner, Ordre et infini actuel
Dans le deuxième volume, inédit, de La Philosophie de l’Algèbre, Jules Vuillemin fait une lecture inattendue et suggestive de l’oeuvre de Richard Dedekind. Nous avons essayé de comprendre, en mobilisant les idées et outils de Vuillemin, les résultats de cette lecture. Ceux-ci nous semblent poser en particulier le problème des rapports entre histoire des sciences et philosophie des sciences. Dans cet exposé, nous proposerons un diptyque pour présenter les questions que nous avons voulu poser au texte de Vuillemin. D’une part, nous nous intéresserons au rôle qu’il attribue à la notion d’ordre dans l’établissement de la théorie des treillis, qui offre, pour lui, le nouveau principe unificateur des mathématiques. D’autre part, nous analyserons sa relecture métaphysique de la fameuse proposition 66 sur l’existence d’ensembles infinis. Ce faisant, nous souhaitons accentuer la distance qu’établit Vuillemin entre l’histoire mathématique et son interprétation par les filiations conceptuelles qu’il propose comme essentiellement distinguées des relations historiques.
Brice Halimi, Culture philosophique des champs
L’un des usages philosophiques possibles des mathématiques est lié à la logique et à la philosophie du langage : l’analyse philosophique des structures qui sous-tendent le langage ne va pas sans une réflexion sur leur représentation ou contrepartie mathématique. Je tenterai de montrer que la théorie de la descente élaborée par Grothendieck, et le concept de champ, constituent un cadre théorique et une source jusqu’ici à peu près inexploitée par la philosophie du langage pour aborder un phénomène linguistique important : la sensibilité au contexte, c’est-à-dire la relativité du contenu sémantique d’un énoncé au contexte de son énonciation. Dans le prolongement de cette question, je soulignerai que la nature d’une entité telle que le sens est plus à même d’être saisie dans les termes de la théorie de la descente qu’elle ne l’est en termes d’abstraction.
Baptiste Mélès, Jules Vuillemin
Cours 1, Jules Vuillemin historien de la philosophie et des sciences
Ce cours décrira la méthode et les principaux résultats de l’œuvre historienne de Jules Vuillemin (1920-2001), aussi bien en histoire de la philosophie qu’en histoire des sciences, les deux étant étroitement articulées. En examinant quelques cas particuliers (Aristote, Anselme, l’algèbre moderne…), nous verrons que Vuillemin s’efforce de pratiquer une histoire rationnelle en dégageant les structures rationnelles —logiques, mathématiques, philosophiques — sous-jacentes aux théories qu’il analyse.
Cours 2, Jules Vuillemin philosophe
Dans les dernières décennies de son œuvre, Jules Vuillemin a construit une pensée philosophique systématique. Nous décrirons les principaux moments de ce système, qui sont une théorie de la perception, une théorie des structures linguistiques, une théorie de la philosophie, et une classification de l’intégralité des systèmes philosophiques possibles. Cette œuvre systématique rejoint — mais par d’autres moyens — les résultats de l’œuvre historienne de Vuillemin.
David Rabouin, Peut-on être à la fois fictionnaliste et platonicien ?
Dans les débats contemporains de philosophie des mathématiques, on désigne par « fictionnalistes » les auteurs qui considèrent que les objets mathématiques sont des fictions, de simples manières de parler d’autre chose, sans subsistance ontologique qui leur serait propre. En ce sens, comme le rappelle M. Balaguer dès la toute première ligne de son article sur le sujet dans la SEP : « la meilleure manière de caractériser le fictionnalisme mathématique (…) est de le penser comme une réaction au platonisme mathématique ». Or on trouve pourtant dans l’histoire un philosophe qui a soutenu que les objets mathématiques étaient des « fictions » et qui se considérait pourtant comme un authentique platonicien : Leibniz. Dans cette présentation, je voudrais montrer comment l’on peut s’appuyer sur cette position pour interroger et démonter certaines problématisations contemporaines. Ce sera aussi l’occasion de défendre une certaine manière de faire dialoguer histoire et philosophie des mathématiques.
Jean-Michel Salanskis, Figures philosophiques de l’objectivité mathématique
Cours 1 Je voudrais dans ce premier cours examiner les significations possibles de l’expression « objectivité mathématique », puis étudier un peu plus précisément les grands repères de la philosophie vis-à-vis de la question de l’objet. Je prendrai ainsi en considération les héritages kantiens et platoniciens. Je tenterai aussi de comprendre les attitudes contemporaines, en organisant à ma manière la confrontation de plusieurs d’entre elles.
Cours 2 En quoi consiste l’objet de la mathématique et quelle figure prend pour nous son objectivité, c’est une des choses que la mathématique elle-même a toujours voulu définir et déterminer. Je voudrais décrire plusieurs moments ou aspects de la réflexion intra-mathématique de ce problème. J’envisage ainsi d’évoquer sous ce rapport l’objet géométrique, la notion de variable, celle de fonction et celle du fini, la notion de l’infinitésimale, et enfin les notions d’ensemble et de catégorie.
Bertrand Toën, Un aperçu de « Pursuing stacks » d’Alexander Grothendieck
L’objectif de ce cours est de présenter quelques aspects du manuscrit « Pursuing stacks » d’Alexandre Grothendieck, du point de vue d’un lecteur mathématicien. Le thème central de ce manuscrit est la théorie des « champs et catégories supérieurs » que l’on pourrait résumer en « l’art du recollement », et dont les développements de ces 20 dernières années ont transformé certains domaines de la géométrie algébrique et de la topologie algébrique.
Dans la première partie de ce cours je m’intéresserai au texte en lui-même, en particulier à sa forme inhabituelle par rapport aux standards des textes mathématiques, et ferai un tour d’horizon rapide des thèmes qui y sont abordés. La seconde partie du cours sera consacrée aux mathématiques de la fin du manuscrit, dont le thème central est le « problème de la schématisation » qui porte un rapprochement très fort entre la topologie algébrique et la géométrie algébrique. Je tenterai en particulier d’expliquer l’objectif que Grothendieck cherche à atteindre, et les idées radicalement nouvelles qu’il met en oeuvre pour cela.
EXPOSES JEUNES CHERCHEURS
Fabien Carbo-Gil, L’hypothèse du continu chez Gödel
Nous tenterons dans cette présentation de tracer un lien entre la philosophie de Gödel et certaines recherches récentes sur le problème du continu. Nous commencerons par expliciter la distinction entre concept et objet chez Gödel, cette distinction nous permettra d’envisager deux manières d’accéder aux concepts: une approche extensionnelle et une approche intensionnelle. Après avoir souligné l’importance de l’approche intensionnelle dans l’analyse de Gödel du problème du continu, nous poserons la question de son instanciation dans des programmes de recherches actuels (travaux de Woodin, travaux de Hamkins, et axiomes de forcing)
Wensho Fan, La conception de vérité chez Frege.
Il semble que la conception de vérité chez Frege devient depuis longtemps un lieu commun. L’indéfinissabilité de la vérité, la vérité redondance, la vérité est la valeur de vérité comme référence d’une proposition, etc. Nous allons voir en quel sens ce lieu commun ne permet pas de rendre compte des textes de Frege, et cette difficulté n’est pas en rapport avec la périodisation chez Frege. Nous allons dans un premier temps soulever d’apparentes contradictions dans les écrits de Frege (contradictions indépendantes du problème de périodisation). Dans un deuxième temps, nous allons présenter et justifier notre méthode explicative – rénover la distinction Frege philosophe- Frege logicien établie par Dummett. Enfin, nous allons analyser la conception de vérité dans les deux domaines en essayant de proposer certaines nouvelles interprétations pour mieux rendre compte l’intention de Frege tout en gardant la cohérence intratextuelle.
Luis Garry, Philosophie, mathématiques et philosophie mathématique : Albert Lautman et le problème de la philosophie des problèmes.
Cette courte intervention portera sur la philosophie mathématique d’Albert Lautman. Dans une première partie, je résumerai le problème qui m’a occupé dans mon travail de mémoire. On a coutume de dire que la logique n’occupe pas une place centrale dans l’œuvre de Lautman. Mais de quelle logique parle-t-on au juste ? Je montrerai qu’un examen approfondi de son œuvre invite au contraire à considérer une logique lautmanienne, que j’appelle, sur la base d’une occurrence orpheline, « logique dialectique». Je montrerai que cette logique permet de penser la philosophie mathématique de Lautman comme une philosophie de la dualité, et cela, en trois sens distincts et complémentaires. Dans une seconde partie, je me propose de voir en quoi, et relativement à quoi, cette démarche « logique » de Lautman est problématique en considérant successivement la diversité des théories mathématiques, l’histoire des mathématiques et la métamathématique hilbertienne.
Théophile Richard, Les principes de la statique et la critique générale de la raison pure
Dans La philosophie de l’algèbre, Vuillemin déclare vouloir mener à bien une « critique générale de la raison pure ». L’expression est programmatique et le rapport de ce projet à la philosophie transcendantale a été mis en doute [Hourya Benis-Sinaceur, 2020]. La critique réalisée par Kant revendique un caractère définitif, ce que ne semblent pas a priori pouvoir faire les réflexions de Vuillemin. Nous aimerions proposer une lecture de ce thème à la lumière du texte des archives « Développement de la statique et mathématiques » contemporain de la rédaction de La philosophie de l’algèbre. Ce texte s’étend longuement sur la critique de la méthode génétique et sur les vertus de la méthode axiomatique et permet de formuler l’hypothèse suivante : l’accent mis sur la méthode axiomatique conduit à délaisser l’idée selon laquelle les théorèmes d’une science tireraient leur validité des principes dont ils sont dérivés. Le philosophe doit donc renoncer à la notion même de principe, intrinsèquement liée à la méthode génétique. Notre présentation consisterait dans un premier temps à confronter les deux textes puis à montrer les ramifications de ce problème dans la suite de l’œuvre de Vuillemin.